La nomination de Doorgesh Kumar Manikaran, Principal State Attorney, comme Returning Officer dans la circonscription n° 8, où Pravind Jugnauth est candidat, suscite de vives critiques.
Ce choix est jugé problématique par des observateurs, notamment dans la profession légale. En effet, Manikaran a été l’avoué de l’État dans plusieurs dossiers concernant directement le Premier ministre sortant, tels que la pétition électorale de 2019 ou l’affaire des réclamations liées au naufrage du Wakashio. Il a aussi représenté l’État dans d’autres affaires où le gouvernement était partie prenante. Sa nomination à un poste aussi sensible est perçue comme un potentiel conflit d’intérêts, créant une impression de partialité qui pourrait affecter la perception de l’indépendance du judiciaire.
Le rôle de Returning Officer est généralement attribué à des magistrats ou des avocats provenant du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) ou de l’Attorney General’s Office. Cependant, dans ce cas, c’est le Principal State Attorney, qui a déjà travaillé sur des dossiers impliquant le Premier ministre, qui a été désigné. Bien que rien dans la législation n’interdise cette nomination, cette situation inhabituelle pourrait soulever des questions quant à la neutralité de cette élection dans une circonscription aussi stratégique que celle où Pravind Jugnauth est candidat.
Des voix dans la profession juridique estiment que Doorgesh Kumar Manikaran devrait, à l’instar du secrétaire de la cheffe juge, Chandraghosh Keenoo, qui a renoncé à son poste de Returning Officer pour éviter tout conflit d’intérêts, suivre son exemple et se retirer de ses fonctions afin de préserver la confiance du public envers le système judiciaire. Il est vrai que dans le cadre d’une contestation électorale à venir, bien que Doorgesh Kumar Manikaran ne traiterait pas directement le dossier, son implication antérieure pourrait poser un problème éthique. D’ailleurs, c’est lui qui a travaillé sur tous les dossiers de pétitions électorales dans le passé.
Des membres de la communauté juridique rappellent que la Commission électorale a toute la latitude pour nommer qui elle veut, mais qu’il serait plus prudent, au vu des antécédents professionnels du Principal State Attorney avec le Premier ministre, qu’une autre personne soit désignée pour cette responsabilité, afin de dissiper toute suspicion de parti pris. Certains plaident pour que la Judicial and Legal Service Commission (JLSC) intervienne dans ce dossier car la JLSC est la seule entité à pouvoir mettre de l’ordre dans cette affaire et surtout qu’il y va de l’image du judiciaire.
D’un autre côté, le magistrat Medaven Armoogum, qui avait été critiqué pour s’être servi d’un T-Square pour ranger les bulletins dans les boîtes lors des élections de 2019, semble résister aux pressions éthiques qui lui sont faites pour changer de circonscription, refusant de quitter son poste dans la circonscription n° 5 malgré les appels à la prudence venant de ses proches. Son entourage estime qu’il n’aurait pas dû retourner dans cette circonscription ou aurait tout simplement dû refuser le poste. Ces nominations controversées, particulièrement dans des circonscriptions sensibles, risquent de provoquer des débats à l’approche des élections.
Les explications du bureau du commissaire electoral
Sollicité, le bureau du commissaire électoral a fourni des éclaircissements sur le processus de nomination des Returning Officers et des Deputy Returning Officers. La Commission électorale affirme que les nominations se basent sur des critères stricts d’expérience et de competence.
Quels sont les critères ou qualifications spécifiques pris en compte lors de la nomination des Returning Officers ?
Dans la plupart des cas, ce sont des officiers de l’Attorney General’s Office, de l’Office of the Director of Public Prosecutions ainsi que des magistrats en poste des District Courts and Intermediate Court qui sont sélectionnés pour agir comme Returning Officers (RO) ou Deputy Returning Officers (DRO). Par ailleurs, des hauts fonctionnaires (techniques ou administratifs) avec une longue expérience comme Presiding Officiers, Senior Presiding Officers (SPO) ou DRO peuvent aussi être appelés pour assumer la fonction de RO. Les RO sont aussi soutenus par des SPO et Special Elections Officers d’expérience.
Comment la Commission électorale garantit-elle que les nominations soient exemptes de tout conflit d’intérêts ou de biais potentiel ?
Le bureau du commissaire électoral procède à la sélection des RO et DRO selon des critères d’expérience et de compétence. Dans la letter of appointment d’un RO, il est précisé «that your services may be terminated immediately in the event of incompetence, misconduct or insubordination».
Le secrétaire du juge en chef, qui avait été initialement nommé, a finalement dû refuser la nomination…
Chandraghosh Keenoo a une très longue expérience des élections. Il a travaillé comme SPO lors des législatives de 2000, 2005, 2010 et 2014. Il a ensuite été nommé DRO pour les législatives de 2019 et a également assumé le poste de RO pour les élections villageoises de 2020. Pour le bureau du commissaire électoral, Chandraghosh Keenoo aurait fait un excellent RO lors des législatives de 2024 ; il a toutefois décidé de renoncer à ce poste pour des raisons personnelles et professionnelles. Il faut savoir que dans le passé, il est arrivé qu’un RO nommé par le président de la République renonce à assumer cette fonction.
Des questions ont également été soulevées concernant la nomination du même Returning Officer pour la circonscription nº 5, qui a fait l’objet d’une controverse lors des élections de 2019. Pourquoi cette personne a de nouveau été nommée, malgré les préoccupations précédentes ?
Le magistrat de la Cour intermédiaire Medaven Armoogum maîtrise le processus électoral. Il a assumé les fonctions de DRO lors des législatives de 2010, puis a agi comme RO pour les National Assembly Elections de 2014 et 2019 ; les municipales de 2015 et les villageoises de 2020. Medaven Armoogum figure parmi les RO les plus expérimentés en poste pour les législatives de 2024. Il faut aussi rappeler qu’aucune pétition électorale n’a été déposée pour la circonscription Triolet/Pamplemousses (nº5) où Medaven Armoogum a agi comme RO lors des législatives de 2019. A ce titre, il n’existe aucun «concern» par rapport à sa capacité à agir comme un RO compétent.
Dans la circonscription nº 8, des inquiétudes ont été exprimées concernant la nomination du Principal State Attorney, qui est actuellement impliqué dans des affaires liées au Premier ministre. Comment la Commission électorale répond-elle à de telles préoccupations afin d’éviter toute perception de partialité ?
En tant que Principal State Attorney, Doorgesh Kumar Manikaran représente les intérêts de l’Etat. C’est la fonction de tous les law officers de l’Attorney General’s Office. En tant que tel, ce critère ne détermine donc pas qui est appelé ou pas à agir comme RO et/ou DRO. Doorgesh Kumar Manikaran est aussi une personne d’expérience en matière électorale. Précédemment, il a participé à l’exercice d’enregistrement des électeurs en tant qu’Assistant Registration Officer en 2004, 2005 et 2008. Ensuite, il a été DRO pour les législatives de 2019 et les Rodrigues Regional Assembly Elections de 2022. En 2020, il a agi comme RO lors des élections villageoises.
Étant donné l’importance de la confiance du public dans le processus électoral, comment la Commission envisage-t-elle de dissiper ces doutes et de garantir une procédure équitable dans la nomination des Returning Officers ?
L’expérience et la rigueur sont les principaux critères que le bureau du commissaire électoral tient en compte pour son exercice de sélection. Les RO et DRO sont des professionnels, peu importe qui ils représentent devant nos tribunaux ou leurs liens de parenté avec des personnalités politiques de quelque bord que ce soit.
Source link