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Ile Maurice: BLD vs «limem pe revini» – Lutte serrée pour la troisième place à Quatre-Bornes

Dans le cadre de la campagne électorale, «l’express» fait la tournée des circonscriptions, afin de tâter le pouls des électeurs, appelés aux urnes le 10 novembre. En ce samedi, nous faisons escale aux nos 18 et 19.

Bien malin celui qui pourrait prédire – avec certitude – celui ou celle qui complètera le trio gagnant au no 18 (Belle Rose-Quatre-Bornes). Si deux des trois sièges en jeu semblent pratiquement acquis pour Arvin Boolell de l’Alliance du changement et Kavy Ramano de l’Alliance Lepep, en ce qu’il s’agit de la troisième place, les électeurs ont le derrière entre deux chaises…

Qui de Stéphanie Anquetil des Rouges, de Xavier Luc Duval des Bleus, de Veda Baloomoody des Mauves ou de Shyam Khemloliva des Orange – qui remplace au pied levé celui que des internautes avaient surnommé le «Dokter san soulie» et qui s’est désisté deux jours après sa présentation comme candidat – décrochera la médaille de bronze ? Quid d’une «troisième force» ? Les dés seront lancés le 10 novembre et les paris tout comme les pronostics sont ouverts.

En ce lundi matin, les rues de la Ville des fleurs sont plutôt calmes, les citadins s’étant rendus au travail. À l’avenue D’Épinay, dans le vieux Quatre Bornes, une éboueuse au visage souriant se charge de vider des poubelles. Comme de nombreuses personnes dont nous croiserons la route, elle nous priera de ne pas citer son nom, ne souhaitant pas, par peur de représailles, afficher ouvertement son appartenance politique.

Un pronostic tout de même ? «Zet sa dan salte do», lâche en riant aux éclats cette quadragénaire qui a le sens de la formule. «Pe pran lepep so kas mem pe donn nou. Zordi Rs 1 000 vo Rs 100. Pe donn nou alokasion pou kouyonn lizie, me nou pa kouyon!» D’ajouter : «Mo pans lavenir mo zanfan ki pe travay, pa pe kapav zwenn de bout. Mo transpir gro kan rant dan sipermarse. Apre, sa kantite skandal-la, papao! Touy zot prop dimounn zet dan karo kann, kan ou ti deza tande sa ou? Bour Li Deor!»

Quelques pas seulement plus loin, autre son de cloche. «Mo trouv gouvernman lamem pe revini mwa. Bann vie dimounn pe kontan zot pansion ek dimounn per tansion si Navin revini, li koup CSG», estime Eddy. «Tou seki vini parey mem sa…» Nous poursuivons la balade électorale au gré des allées et venues de Mauricio et de ses frères, le tram faisant désormais partie, qu’on le veuille ou non, du paysage.

Des oriflammes? Des banderoles ? Il n’y en a pas. Seules quelques bannières des deux principales alliances se côtoient pacifiquement, accrochées ici et là à des garde-fous, près du marché notamment. Du côté de la «Place taxis», en centre ville, la bataille des opinions contraires fait également rage. Si Mahen (prénom d’emprunt), en klaxonnant, balance souvent, en voyant ses clients habituels, des «BLD» sonores, son collègue, que nous rencontrons ce jour là, ne partage pas cet avis bien tranché. Dev (prénom modifié) pense plutôt qu’il faut «gard li andan», comprenez par-là qu’il faut reconduire la même équipe au pouvoir.

Même s’il n’est pas contre une troisième option. «Bizin gete kot ena enn kandida valab, mem enn indepandan, sa ousi kapav donn enn vot, pou toultan pa trouv mem dimounn.» Et «sa p’ti badinaz» -là, entre les BLD et les «limem pou revini», se poursuivra tout au long de notre virée dans les artères de la ville, où des fleurs sortiront parfois de la bouche des citadins en colère contre le fait que leur ville «inn vinn enn bwat sardinn. Pena plas parking, pena plas pou marse. Metro inn pran tout plas. Nou santi nou pe toufe».

Dans ce train électoral en marche, s’il y a bien un autre élément qui reviendra sans doute rebattre les cartes, dans cette circonscription – où les électeurs sont qualifiés «d’intelligents» par des observateurs politiques -, c’est le redécoupage électoral. Avec l’arrivée de 17 372 votants qui ont migré du no14, le no 18 devient la deuxième circonscription où l’on compte le plus grand nombre d’électeurs inscrits, soit 60 795, après La Caverne-Phoenix, où l’en on dénombre 61 231. D’où viennent-ils ? De Palma, Bassin et de Résidence Kennedy, notamment.

Cette nouvelle donne changera-t-elle le visage politique de Belle-Rose-Quatre Bornes, qui a pour habitude de voter à contre-courant ? Il faudra attendre le jour du dépouillement pour le savoir. En attendant, à La Louise, plantés sous des arbres, les chauffeurs de taxi attendent des clients ; ils roulent des yeux face aux questions, affirment qu’ils ne souhaitent pas parler de politique à ce stade car «zafer-la so». Plus loquaces, des camionneurs, eux, se lanceront dans une bataille verbale, sorte de clash bon enfant, encore et toujours à coups de «Bour Li Deor» et de «limem pou revini» (voir les témoignages).

À Palma, chez le fleuriste, chez le mécanicien, sous les varangues des boutiques et des commerces, les conversations sont rythmées par la chose politique et les points de vue varient. Ce qu’on retiendra, en substance : «Pou sere pou trwaziem pozision. Sinon Arvin ek Kavy pou pase fasil an prinsip.» On déplore en outre le fait que les politiciens de tous bords «sorti kouma krapo kan lapli tonbe. Sinon pa trouv zot mem apar dan lapriyer, mariaz ek lanterman parfwa. Zis kan bizin vot lerla vinn tap laport dimounn».

À Résidence Kennedy, les rares passants sont aussi partagés quant au candidat qui obtiendra le fameux troisième laissez passer pour le Parlement. Si le changement semble parfois arriver en tête, le statu quo n’est pas très loin derrière et vice versa. De quoi rendre chèvre ceux qui essaient de dégager une tendance nette et qui tentent de savoir qui, au final, ira «manz feyaz».

Dans les rues de Résidence Beau-Séjour, le calme cache la tempête. Car s’il y a bien un fléau qui mine les habitants – qui lancent souvent des appels à l’aide sur des groupes dédiés aux habitants de Quatre-Bornes sur les réseaux sociaux -, c’est la drogue. Derrière sa pudeur et sa timidité, la tête enveloppée dans son hijab, Maryam en parle d’une voix douce et résignée.

«Wi partou ena ladrog isi. Mo ena kat zanfan, me nou res andan, pa sorti mem depi lakaz, okip zis nou zafer», lance cette femme de 52 ans. Pour qui votera-t elle ? «Pou seki pou donn enn vre solision a sa problem-la…» Confrontées au coût de la vie, à la drogue, les urnes livreront elles un résultat stupéfiant ? Les «vot fane» seront-ils un facteur qu’il faudra prendre en compte dans cette lutte qui a l’air de se profiler pour la troisième place, dans cette joute aussi serrée que la ceinture des Mauriciens face aux prix élevés des denrées alimentaires ? Verdict le 11 novembre.


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