En Éthiopie, une équipe médicale congolaise de la fondation du Dr Mukwege, l’homme qui réparait les femmes, est en mission au Tigré afin de former les personnels de santé et de les aider à prendre en charge les victimes de viols pendant la guerre de 2020 à 2022. Les médecins de l’hôpital de Panzi partagent l’expérience qu’ils ont acquise dans le contexte de conflit au Nord-Kivu en RDC, où de nombreuses femmes sont aussi victimes de violences sexuelles.
Devant une vingtaine de professionnels de santé éthiopiens, tour à tour, les médecins experts de la fondation du Dr Mukwege présentent la méthode Panzi, une méthode holistique, centrée sur le ressenti et l’expérience de la victime. Elles sont estimées à plus de 120 000 dans la région du Tigré, où les violences sexuelles ont été utilisées comme arme de guerre.
« On s’est rendu compte que les seuls soins médicaux n’ont pas apporté de bonnes réponses à toutes les questions des femmes. Et ensuite, on a intégré le pilier psychosocial qui lui, s’occupe de vraiment travailler sur les soins psychologiques, l’accompagnement psychosocial de ces personnes qui ont été victimes de violences sexuelles et pas que, en intégrant également leur communauté, leurs maris et les autres personnes qui sont affectées au niveau de la communauté », explique Marc Ombeni, psychologue-clinicien, responsable du pilier psychosocial de la fondation Mukwege.
Aller vers la réparation
Vient ensuite la réinsertion économique puis l’accès à la justice. Un gros manquement en Éthiopie, selon Dominique Vidale-Plaza, responsable des soins holistiques de la fondation Mukwege. « Ça va prendre encore des années avant que ça arrive ici. Mais on reste convaincus que c’est quand même toujours le moment de documenter des cas, de rassurer qu’on a des faits qui sont documentés, qu’il y a des dossiers bien précis et bien détaillés qui pourraient par la suite donner une opportunité aux survivants d’avoir accès à la réparation. C’est quelque chose qu’on souhaiterait approfondir avec nos partenaires ici », confie-t-elle.
La fondation Mukwege fournit ensuite un suivi à distance pour s’assurer que les nouvelles pratiques enseignées sont bien mises en place par les prestataires et pour répondre à leurs éventuelles difficultés.
Manque de moyens et de matériel dans les hôpitaux
Toutefois, pour le docteur Abraha Gebreegziabher Hailu, directeur des services cliniques de l’hôpital de Mekele, le manque de matériels constitue un frein à la prise en charge des patientes. « Les centres de santé n’ont pas tous les moyens nécessaires pour dispenser des soins complets. Par exemple, les kits de base pour la dignité, les traitements d’urgence, les antibiotiques oraux. Parfois nous manquons, par exemple, de médicaments anesthésiants dans la salle d’opération lorsque les patientes doivent subir des opérations gynécologiques. »
« La réponse aux besoins est fragmentée à cause de la faiblesse de notre gouvernement dans la région, qui est une conséquence de la guerre, je pense. Les ressources diminuent, le budget alloué aux hôpitaux est inférieur à ce qu’il était avant la crise du Covid et la guerre dans le Tigré. Le prix de tout est plus élevé aujourd’hui », déplore-t-il.
Les professionnels de la santé du Tigré ont beaucoup souffert. Ils ont perdu des membres de leur famille, ils n’ont pas reçu de salaire pendant 18 mois consécutifs et ce paiement n’a toujours pas été fait. Beaucoup manifestent des problèmes mentaux, et le niveau de soins qu’ils peuvent prodiguer s’en trouve inévitablement affecté. Il est donc nécessaire d’apporter un soutien social et psychologique aux travailleurs de la santé.
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