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Afrique de l’Ouest: Exploitation de l’or à Kédougou – Une vie de misère, le fleuve Gambie menacé par la pollution après la Falémé

La vie dans les sites d’orpaillage dans le département de Saraya, région de Kédougou, n’a rien d’attirant. En plus du calvaire qu’est l’accès aux soins sanitaires et l’impraticabilité des routes, les populations sont dans une vulnérabilité économique dantesque.

A cela s’ajoutent les conséquences de l’activité d’orpaillage dans cette zone frontalière avec le Mali sur l’environnement et les cours d’eau. Après la Falémé fortement polluée, le fleuve Gambie est aussi menacé par l’orpaillage. L’usage de métaux lourds comme le cyanure et le mercure par les orpailleurs installés dans la zone de Tomboronkoto fait naître des inquiétudes.

Département de Saraya, commune de Khossanto, l’or ne fait pas que des heureux. Même si l’orpaillage est la principale activité des populations, la recherche de ce métal précieux s’accompagne d’une vie de pitance. Le manque d’hygiène est la condition (de vie) la mieux partagée. Pis, l’enclavement des villages, est une réalité dans toute la zone.

La route qui mène à Sabadola, en passant par Khossanto, Bambarading, Mama Kono, Bambaraya est non revêtue. Elle est poussiéreuse et la latérite rouge finit par «défigurer» ses usagers. Ils sont maquillés par la poussière et les moyens de locomotion sont précaires. Avec des motos et/ou de tricycles à bord desquels les humains se sont substitués aux bagages, les orpailleurs reviennent des «diouras» (site d’orpaillage en langue locale), la fatigue bien visible sur les visages.

DÉNUEMENT TOTAL DE LA POPULATION ET ENFER DE L’EVACUATION SANITAIRE DES FEMMES ENCEINTES

Le village de Bambaraya, niché à la frontière malienne, subit les affres de cet enclavement. Il n’y a pas de poste de santé, l’eau potable n’y coule pas. Seuls les puits abreuvent les habitants, les forages étant en panne depuis belle lurette. Les risques liés à l’évacuation des malades, surtout les femmes enceintes, sont réelles. Ces dernières sont exposées aux secousses d’une route non revêtue au cas où les «sages-femmes de circonstance» ou «matrones», ces vieilles dames (qui assistent les femmes enceintes à terme), n’arrivent pas à les faire accoucher. La case de santé n’est pas équipée et n’a aucun personnel de santé.

BAMBARAYA S’ACCROCHE TOUJOURS À «KIESTA», UN SITE OBJET DE CONTESTATION DEPUIS L’ANNÉE DERNIÈRE

Les tâches ménagères se font aux berges des cours d’eau, avec le moindre respect des règles d’hygiène. Ici, les populations réclament «Kiesta», un site d’orpaillage traditionnel ou «dioura» repris par une entreprise minière installée à côté et qui dit détenir un permis d’exploitation, relèvent les habitants. Selon le président des orpailleurs («diouratiguis») régionaux, Lamine Cissokho, «huit sites d’orpaillage traditionnel ont été pris aux habitants. Et il ne leur reste que «Kiesta», l’objet de la contestation qui date de l’année dernière. Le site d’orpaillage mobilise tout le village. Il est un legs. Mieux, le village le désire parce que confronté à un rétrécissement de son périmètre d’activité».

Ancien chef de village, Demba Cissokho évoque avec nostalgie la période où ils n’avaient pas de limites dans leur territoire. A travers un récit qui parcourt le temps, il regrette ses terres perdues et le fait que «Kiesta» est en phase de leur échapper. A Bambaraya, les populations rencontrées ne prévoient aucune reconversion. «L’agriculture ne se fait que pendant la saison des pluies», soulignent-ils. Et l’élevage n’y est plus possible à cause de la forte destruction de l’environnement. «Nos animaux consomment de la cyanure ou du mercure. On ne peut pas aussi les garder parce qu’ils tombent dans les trous des orpailleurs», soutient Demba Cissokho.

Boucary Cissokho, étudiant en Master dans une école privée d’enseignement supérieur de Dakar est retourné à l’orpaillage. Un gagne-pain qui lui a permis de payer une formation au Maroc. Le site litigieux, dont ordre a été donné par l’Etat de la suspension de toute activité, est exploitée par la société minière.

EXPROPRIATION DE TERRES CULTIVABLES POUR DES PERMIS MINIERS, NON-RESPECT DU CODE DU TRAVAIL…

Autre localité, même misère. A Khossanto, la situation n’est guère reluisante. Cette commune au coeur de l’exploitation aurifère présente un visage hideux. La poussière est l’identité de ses habitants. «A chaque fois qu’on sort d’ici pour aller quelque part dans la région, on nous reconnait», se désole Demba Cissokho.

Une sous-traitance, des heures de travail non respectées et un salaire dérisoire sont les principaux griefs des jeunes rencontrés. Âgé de 28 ans, Samba Ly Cissokho vient d’être licencié par l’entreprise où il travaillait. Tout ce qu’il brandit comme preuve est un contrat non visé par l’Inspection du travail et de la sécurité sociale et qui rémunère le travail de douze heures par jour à 150.000 francs CFA. Ses arriérées de salaire n’ont été épongées qu’après la visite du ministre de l’Energie, du Pétrole et des Mines, Birame Souleye Diop.

A Khossanto, les jeunes n’ont plus confiance en la Commission de recrutement qui n’est pas consciente, disent-ils, «de l’ampleur du chômage». La visite à Khossanto nous a menés à la rencontre de Dado Dagnokho. Âgée d’une soixantaine d’années, elle se désole de l’oisiveté de ses trois enfants, tous des orpailleurs au quotidien incertain. Ils sont sous la tutelle d’un frère enseignant.

Cap sur Mama Khono. Ici également, les habitudes quotidiennes sont aussi identiques. Non employabilité des jeunes, des terres cultivables prises aux habitants au profit de l’exploitation aurifère, des structures sanitaires inexistantes, rythment le quotidien des populations.

LE FLEUVE GAMBIE AUSSI MENACÉ PAR L’ORPAILLAGE

Non loin de Tomboronkoto, des villages sont impactés par l’orpaillage. Depuis quelques années, une entreprise condamnée pour orpaillage illicite dans le Parc National du Niokolo-Kaba s’y est déplacée et travaille en sous-traitance avec des Chinois.

A Tambanoumouya, la présence du métal précieux n’est guère synonyme d’un luxe. Les habitants vivent dans une précarité inouïe. Rares sont les maisons en dur. Le reste n’est qu’un groupe de minuscules cases d’où crèchent des dizaines d’âmes. Une case de santé non fonctionnelle, des routes impraticables à cause des pluies, des femmes livrées à elles-mêmes, c’est le sinistre décor sur place.

Le fleuve Gambie qui longe le village risque de devenir, si l’on en croit les habitants, aussi pollué que la Falémé. L’orpaillage semi-mécanique des Chinois s’y développe à grande échelle. «Pendant la saison sèche, la pollution du fleuve s’accentue. Le jardin villageois qui se trouve à côté est envahi par une eau contaminée», se désole Aly Mangassa, un vieux qui a perdu une grande partie de ses sources de revenus.

A côté de cet orpaillage semi mécanique, l’orpaillage traditionnel des villageois porte atteinte au cours d’eau. «Jusqu’à avril-mai, on avait de l’eau ; maintenant, quelques mois après la saison des pluies, il s’assèche».

TOMBORONKOTO SOUS LA HANTISE D’UNE DÉLOCALISATION DE SES HABITANTS

Le développement de l’orpaillage dans la zone s’est fait en faveur de la dépossession des populations de leurs terres. Selon le vice-président des jeunes de la localité, Waly Cissokho, «plusieurs champs déjà exploités ne sont pas réhabilités. Et c’était des champs d’une grande productivité» agricole.

Et comme si cela ne suffisait pas, à côté des Chinois et des locaux, une entreprise minière a pris une grande superficie à leur localité. «Les jeunes qui y travaillent ne sont limités qu’à (exercer) des activités physiques», trouve Xavier Sara. A Tomboronkoto, les populations sont sous la hantise d’une délocalisation. «Nous attendons qu’on vienne nous déguerpir, mais on ne se laissera pas faire», dit Doudou Dione Dramé, un acteur de développement de Tomboronkoto.


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